II.        Le photomontage, une critique directe

Goering le boucher, couverture de AIZ

A.        Heartfield contre Hitler et l’histoire de A.I.Z, magazine communiste allemand

Né à Berlin en 1891, John Heartfield est mêlé aux mouvements d'avant-garde : expressionnisme, cubisme, futurisme, dadaïsme, constructivisme dont l'empreinte marque profondément ses photomontages et son travail de graphiste. Violemment critique à l'égard de la République de Weimar, ses publications sont interdites en Allemagne de 1933 à 1945 et ce n'est qu'à partir des années soixante-dix que sa reconnaissance s'impose en Europe. Ni photographe ni peintre, hors des circuits commerciaux et des musées, son oeuvre reste assez mal connue. Quelques photomontages célèbres et maintes fois reproduits (Goering : le bourreau du Troisième Reich portant un tablier de boucher ensanglanté et arborant une hache à la main, Adolf le surhomme : il avale de l'or et recrache du fer blanc, sorte de radiographie d'Hitler où l’œsophage est transformé en colonne de marks) occultent trop souvent l'abondance d'une oeuvre manichéenne mais percutante.

Jeune dessinateur, celui qui en signe de protestation contre le slogan « punisse l'Angleterre » anglicisera son nom (Helmut Herzfeld deviendra John Heartfield) ; John Heartfield commence par se faire réformer en 1915 et rencontre un autre réfractaire à la guerre : George Grosz. Il crée les éditions Malik, publie les lithographies de Grosz et réalise avec lui des dessins publicitaires et des collages qui mettent en évidence sa volonté destructrice, sa force de combat, son emphase corrosive à travers les tracts, les couvertures de livres, les affiches. En 1918 Heartfield entre au parti communiste allemand (K.P.D), dès lors et jusqu'en 1933,il y travaillera. La classe socialo-démocrate devient leur cible privilégiée. Les publications de Malik sont des satires antimilitaristes, des railleries de la classe dirigeante, des attaques sans nuances contre le S. P. D. et les artistes expressionnistes qui soutiennent la nouvelle république.

Heartfield dessine des costumes pour le « Théâtre prolétarien » de Piscator et conçoit des couvertures pour la « bibliothèque révolutionnaire » des éditions Malik. Après le traité de Rapallo (1922) qui scelle l'entente germano-russe, l'axe Moscou-Berlin est la principale voie d'échanges par laquelle l'Occident peut entrer en contact avec l'art soviétique. Le photomontage comme moyen d'expression au service d'une cause, d'une conception de l'art, circule alors entre des centres de création comme Moscou avec Rodtcheno, Weimar et le Bauhaus de Moholy-Nagy. Grosz effectue une mission en Union Soviétique pour le compte de l'Aide internationale aux travailleurs. Dès son retour, en proie au doute, il quitte le K. P. D. et cesse sa collaboration avec Heartfield. Cependant malgré le scepticisme de Grosz les deux hommes sont les leaders d'un nouveau groupe d'artistes : Le Groupe rouge. En 1923 le K. P. D. crée la revue satirique Der Knflppel (La Matraque) et Heartfield en est le rédacteur en chef. Sa maison d'édition Malik s'affirme comme le principal éditeur de gauche. Heartfield réalise les jaquettes des livres en choisissant des photographies. Parfois il opte pour le photomontage plus offensif.

Au début de 1930, la rédaction de A. I. Z. avertit ses lecteurs : « Désormais le journal publiera une page de Heartfield par mois. » De 1930 à 1938 il signe 235 feuilles. L'Arbeiter-illustrierte-Zeitung (A. I. Z., Journal illustré des ouvriers), à la différence du quotidien du parti communiste Rote Fahne (Le Drapeau rouge), procède de façon claire et concrète pour pagner aux idées du communisme les couches les plus larges. Le fondateur du magazine, Willi Mtinzenberg, lance un mouvement photographique d'ouvriers. L'Association des ouvriers photographes devient l'agence photographique d'A. I. Z. et fournit à Heartfield une abondante iconographie. Une page de A. I. Z. intitulée « de la photographie une arme » le présente, sous forme de montage, découpant la tête du vieux préfet S. P. D. de Berlin. Ce nouveau slogan devient le principe directeur de son travail.

Jusqu'au succès électoral nazi de septembre 1930, les montages d'Heartfield pour A. I. Z sont dirigés contre le S. P. D. En 1931 il se rend en Union Soviétique et quand il rentre la bataille est pour ainsi dire perdue sans qu'A. I. Z. en soit persuadé, comme en témoigne le montage pour les vœux de nouvel an, dans le numéro de janvier 1933 : « A. I. Z .souhaite un bon voyage dans la nouvelle année ! » Moins d'un mois avant que le chef du parti nazi ne devienne chancelier, Hitler tombe dans un précipice avec un obscur social-démocrate et la croix gammée se disloque. Peu après l'incendie du Reichstag, les locaux d'A. I. Z. sont pris d'assaut et incendiés, la rédaction s'enfuit en Tchécoslovaquie. Heartfield s'installe avec sa maison d'édition Malik à Prague et fait paraître Neue Deutsche Blätter, principal magazine littéraire de la gauche émigrée. A. I. Z. devient une ligne anti-nazie beaucoup plus radicale. Les purges staliniennes ne sont pas sans répercussions sur les collaborateurs d'A. I. Z.et une campagne contre le formalisme de l'art en accentue les effets. Muenzenberg, l'éditeur d'A. I. Z., est traduit devant le Comité international de contrôle qui l'accuse de laxisme. L'A. I. Z. change de nom pour devenir le Volksillstrier (Magazine illustré du peuple). Après l'Accord de Munich le journal cesse de paraître, en octobre 1938. Heartfield gagne Londres.

Pendant dix ans Heartfield vit d'expédients, crée quelques maquettes de livres mais son appartenance au K. P. D. lui ferme la plupart des portes, y compris celle de la presse émigrée, et Moscou le tient à l'écart. En 1950, il rentre à Berlin avec l'aide de Brecht pour lequel il conçoit la version est-allemande de ses oeuvres. Il meurt en 1968.

Unissant étroitement l'art et la politique A. 1. Z. a mis un soin particulier à la diffusion d'une photographie de grande qualité. Aussi rallie-t-il à lui un nombre important de photographes de premier ordre. A côté des montages de Heartfield, des gravures de Kate Kollowitz, des dessins de George Grosz, on trouve des reportages sur la situation économique du prolétariat allemand, chinois, mexicain. Ce style de reportage ne survivra pas au nazisme, pas plus que l'avant-garde photographique allemande.

B.   L’art du photomontage : les œuvres polémiques de John Heartfield

Dans les arts plastiques un groupe formé de autour de Haussmann cherche  « sur-réalisme satirique » Ce groupe se compose de  Hannah Hoch, de Grosz, de l’agitateur John Heartfield et de son frère Wieland. Un des domaines dadaïstes les plus significatifs pour l’art futur fut celui du photomontage, qui permettait un sujet de plusieurs points de vue, sous différentes  perspectives, avec des couples étranges  qui choquaient le spectateur et qui allait l’obliger à prendre parti pour ou contre. De fait, accompagnée souvent de textes lapidaires et satiriques, cette nouvelle technique a eu un effet révolutionnaire jusqu’à ce jour, tant sur le plan esthétique que comme un moyen artistique extrêmement efficace- et qui l’est resté- pour articuler la lutte politique.

La réalisation du photomontage est artisanale et longue. Il faut d'abord trouver les photographies adéquates, les imprimer à la bonne échelle et détourner les personnages. Une fois les morceaux découpés et disposés il faut les maintenir, lisser les raccords, harmoniser les tons et re-photographier l'ensemble. Les légendes doivent s'intégrer et le lettrage s'adapter à l'image. La réussite d'une oeuvre dépend en partie des photographies disponibles. Sous la République de Weimar les agences photographies sont nombreuses et alimentées par d'excellents photographes. Le mouvement des ouvriers photographes et les agences soviétiques complètent l'ensemble. Les tirages de Heartfield sont diffusés à un demi-million d'exemplaires dans les pays de langue allemande par A. I. Z.

 

 

                                                 Photo

 

 

La Colombe de la Paix d’Hitler                      Adolf, le surhomme, ingurgite

                                                                                                 l’or et débite des balivernes         

 

                                                                            

                                  

 

Comme au Moyen-Age…et                                                                  Couverture de AIZ

      sous le  3ème Reich

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