1. .Le cinéma au service du pouvoir

 

A.La cinéaste Léni Riéfenstahl

               1.      Une femme qui a marqué le 3ème Reich

La puissante personnalité de cette femme a marqué le 3ème Reich aussi bien dans l’art filmé que dans la position qu’elle occupait dans le système de propagande nazi. Alors que les décrets antijuifs pleuvent sur l’Allemagne, la cinéaste remercie Hitler du bouquet qu’il lui a envoyé pour son trente-sixième anniversaire, en août 1938. 

2.    Carte d’identité de Léni Riéfenstahl

Née à Berlin en 1902, Léni se revendique artiste dès son plus jeune âge, lorsqu’elle décide de devenir danseuse, contre la volonté de son père, un riche entrepreneur en plomberie berlinois.

A 20 ans, Léni se produit déjà sur les plus grandes scènes d’Europe. Mais elle se trouve frustrée ;désormais, elle veut devenir actrice de cinéma. Or, sur le plateau e tournage, elle se mêle de tout, interroge les techniciens ,discute les cadrages…si bien qu’elle réalise finalement son premier film en 1932 : La montagne bleue, film alpin aux belles images un peu folkloriques. Elle se  hisse alors au rang des premières femmes cinéastes du monde. Elle parvient toujours à ses fins, notamment avec les hommes. Nombres de ses collaborateurs sont, ont été ou seront ses amants : pour elle, amour et ambition vont de pair. 

3.    Amour ou ambition? Sa  première rencontre avec Hitler

 Amour ou ambition ? Elle seule peut le savoir. Rien n’est moins sûr puisque les deux sentiments pour elle sont indissolublement liés.

 En 1932, alors qu’elle était devenue une étoile du cinéma allemand, elle fut frappée « comme par la foudre » par un discours d’Hitler. Elle lui écrivit afin de pouvoir le voir. C’est ainsi qu’ils firent connaissance. Durant la rencontre, ils parlèrent bras-dessus, bras-dessous de musique, de cinéma, et de la mission dont le futur chancelier se croyait investi par le destin.

 Elle s’attache d’instinct à ceux qui peuvent l’aider dans son « Art ». En août 1940, quand les troupes allemandes pénètrent dans Paris, elle télégraphie encore « Vous avez réalisé un exploit qui dépasse l’imagination humaine ». Lorsqu’elle vient de lire « Mein Kampf » qui l’a enthousiasmée, elle s’empresse de télégraphier son admiration à Hitler qui lui avoue en retour tout le bien qu’il pense de ses films.

Une fascination réciproque est née, qui ne se démentira pas. Léni sera la cinéaste attitrée du führer, au-dessus de la tête de Goebbles, qui tient pourtant le cinéma allemand sous sa coupe .

 

4.    Le film nazi par Leni Riefenstahl

Dès le début, sa carrière a accompagné inexorablement le sort des nazis. En 1933, elle tourne Le Jour du Parti, son 1er film hitlérien, avec un budget encore modeste. Elle saisit d’instinct le sens primordial qu ‘elle doit donner à ses images : une plasticité hors du commun, mettant en avant les attributs de la race aryenne. Une lumière chaleureuse et omniprésente, soulignant la beauté et la force humaine doit imprégner le spectateur lorsqu’il regarde les images de son peuple et dans son pays.

Le troisième Reich donne à Léni des moyens techniques et matériels illimités pour utiliser aux fins de sa propagande les Olympiades de Berlin en 1936 avec les Dieux du Stade.

Grâce à son führer, elle fait ce qu’elle veut, comme elle veut, disposant des meilleures équipes. Quand tous les réalisateurs sont mobilisés, l’égérie est seule à poursuivre son œuvre, loin des horreurs de la guerre. Elle se rendra sur le front une seule fois, dans l’enthousiasme communicatif de septembre 1939. Mais elle revient rapidement, après avoir vu les juifs d’une petite ville polonaise exterminés comme des lapins : « la laideur, la misère, le pathologique me répugnent ». Elle ne filme que le « beau ;une aube éternelle ou des corps parfaits évoluent, montrant leurs muscles. »

Elle filme le premier rassemblement du parti de 1934 à Nuremberg : « Le triomphe de la Volonté ». Hitler voulut en 1936 en faire une fête pour son prestige personnel et celui du Reich. Le résultat fut un hymne grandiose au travail et à la jeunesse ou l’effort :la joie et la peine des athlètes ont été peints avec une « poésie  inoubliable ».

A l’ouverture des Jeux, l’arrivée émouvante dans l’obscurité absolue du porteur de la flamme olympique, le Japonais Nurmi, coureur de fond, dont le point lumineux allait grandissant comme la clameur de la foule qui l’accueillait debout sur les gradins :Olympia ou Les Dieux du Stade, admiré mondialement, un des sommets du cinéma.

             En 1987, Léni publie son autobiographie sous le titre « Au crible des années » où elle revendique ne rien regretter des faits et gestes de sa vie mouvementée, surtout dans la période nazie. Elle se disculpe en toute sincérité et dignité de toute appartenance politique au « parti » où elle n’a jamais été inscrite. En ce qui concerne le reste de ses activités, deux tribunaux s’étaient chargés de la disculper officiellement. Dans l’immédiat après la guerre, une certaine discrimination envers ses films l’a maintenue en quarantaine.

 

 

" Les dieux du stade " , extrait du film de Leni Riefenstahl sur les jeux olympiques.

 Ce cinéaste rallié au parti nazi ,réalise un film qui sublime les jeux et les athlètes , et qui en fait  concourt à la promotion du mythe arien.

B. Kristina  Söderbaum, une ancienne actrice-égérie du cinéma nazi

1.      Une jeune fille bien née

Née le 5 septembre 1912 à Djürsholm près de Stockholm en Suède, Kristina Söderbaum est la fille du très honoré Dr S¨derbaum, recteur de l’Académie des sciences, et préposé à la cérémonie de remise des prix Nobel.

En 1936, la jeune fille se rend à Berlin afin de se perfectionner dans un cours d’art dramatique et tenter sa chance comme actrice. Blonde aux yeux bleus, le teint frais, un corps potelé, sportive émérite..toute sa personne respire la bonne santé et l’innocence. 

2.    La carrière d’une actrice naïve et candide

A ses débuts, elle décroche un petit rôle dans Onkel Bräsig, d’Eric Wasbbnek, puis en 1938, elle tourne un bout d’essai pour le rôle principal féminin de Judend. Sa fraîcheur et son innocence finissent par séduire le réalisateur Veit Harlan, de treize ans son aîné. Il l’engage et elle ne tournera plus, tant qu’il vivra, qu’avec lui. Kristina est la troisième épouse du réalisateur de prestige du cinéma nazi, déjà couvert d’honneurs pour les films qu’il a mis en scène depuis 1935, dont Crépuscule, avec Emil Jannings. Sa première femme était Dora Gerson, une juive exilée par le nazisme et Hilde Körber.

      Veit Harlan a été le pygmalion de Kristina jusqu’à sa mort. Il en fit un « type féminin modelé à l’usage de l’Allemagne national-socialiste », une femme à l’air courageux, exemplaire. Sa popularité fut grande sous le nazisme, cependant durant l’Occupation, elle n’eut guère la faveur des spectateurs français au contraire de Zarah Leander, qui voyaient en elle une actrice minaudière, larmoyante et mal fagotée. Dans Judend, Kristina Söderbaum est conduite à une fin tragique par l’intolérance religieuse :elle se jette dans un lac, ce qui lui a valu le surnom « la noyée du Reich ».

Dans les films de son mari, elle incarne tantôt les vertus conjugales et familiales( Le voyage à Tilsit – 1939), tantôt l’innocente jeune femme obéissante.

Dans Le Grand Roi(1942), film à la gloire de Fredéric Π de Prusse, elle est la fille d’un meunier mariée à un adjudant héroïque. Dans La ville dorée(1942), elle est, en Agfacolor, une paysanne de la Haute Moldau déracinée, déshonorée à Prague, et qui, enceinte et abandonnée, se jette dans un marais. 

3.    La découverte de la vérité sur le Reich

            En 1944, au cours d’un voyage en Suède, Kristina Söderbaum apprend la vérité sur les camps de concentration et d’extermination nazis. Mais Veit Harlan ne veut pas qu’elle y croie. Epouse fidèle et prédisposée aux sacrifices par les rôles qu’elle a joué, elle se fait un devoir de ne pas abandonner le cinéaste honni par la défaite. Elle portera avec lui, dans les années d’après-guerre, la honte du Juif Süss, film auquel leurs deux noms sont rattachés.

En avril 1964, Veit Harlan meurt à Capri. 

4.    La fin de sa carrière

 Kristina s’installe alors à Munich, et devient photographe. En 1974, elle reprend le cinéma, engagée par Hans Jürgen Syderberg, dans un rôle pour Karl May, film qui appartient à la trilogie de la culture allemande réalisée par le cinéaste (avec Ludwig et Hitler).

En 1980, Régine Mihal Friedman, professeur au département cinéma de l’université de Tel-Aviv, qui prépare une remarquable étude « L’image et son juif :le juif dans le cinéma nazi »(édition Payot, 1983), rencontre à l’aéroport de Munich Kristina Söderbaum.

La veuve de Veit Harlan racontera le cinéma nazi, l’emprise de Goebbels, la tyrannie de son mari, la révélation de la vérité sur le Reich en 1944, ainsi que sa nouvelle amitié avec Stanley Kubrick à qui elle a révélé l’ « engrenage inexorable et la manipulation du nazisme pour les artistes ».

Plus tard, l’ancienne égérie du cinéma allemand se convertit au catholicisme, pour « mieux porter sa croix » et donc mieux expier sa faute.

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